Login

Ravageurs des palmiers Des capteurs sismiques en cours de test

La ville côtière de Mandelieu-la-Napoule (06) s’est dotée l’an dernier d’une arme anticharançon et papillon. Elle préserve ainsi efficacement son important patrimoine de palmiers.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Piéger, détecter et traiter (avec des produits bio) : cela semble être actuellement­­­ le triptyque le plus efficace dans la pro­tection des palmiers pour les communes disposant d’un patrimoine important, en particulier autour de l’arc méditerranéen. Mythe de Sisyphe pour les uns, qui pensent que la bataille contre le charançon rouge, Rhynchophorus ferrugineus, et le papillon palmivore, Paysandisia archon, est perdu d’avance. Mais un combat qui mérite d’être mené, pour les autres, avec aujourd’hui un arsenal tout à fait adapté, pour peu que l’on se donne la peine de s’y intéresser.

Il faut dire que les deux ravageurs incriminés avancent masqués et à une vitesse impressionnante­, sur le territoire public mais aussi – et c’est un problème pour les gestionnaires d’espaces verts de villes –dans le domaine privé, avec toutes les difficultés posées en termes d’observation et de détection. En une dizaine d’années, le charançon, surtout présent en Corse et en Paca à l’origine, a gagné l’ancien Languedoc-Roussil­lon, en y provoquant des dégâts considérables. Le papillon s’est pour sa part disséminé encore plus vite dans l’ensemble des départements bordant la Méditerranée.

Plus de 5 000 captures de charançons en une saison

Leur vitesse de propagation, animée par une grande capacité à se disperser, mais également par un gros effet de mode qui a poussé beaucoup de possesseurs de jardin à vouloir leur Phoenix ou leur Washingtonia, a amené un certain nombre de collectivités à jeter l’éponge et à revoir en profondeur leur patrimoine végétal. D’autres ont préféré s’armer pour préserver un patrimoine historique jugé irremplaçable et donnant au paysage local son caractère, un élément important pour des régions qui vivent en grande partie du tourisme. Parmi les collectivités qui ont fait ce choix, certaines sont, de l’avis général, en avance. Dans les Alpes-Maritimes, Cannes ou Mandelieu-la-Napoule, entre autres, en font partie.

Pour continuer à justifier de ce statut, cette­ dernière, qui compte un peu plus de 22 000 habitants, a investi l’an dernier dans la nouvelle technologie pour déceler de façon très précoce la présence des ravageurs dans les palmiers : les détecteurs sismiques Rhynchotrack. Plus de 120 de ces appareils – capables d’analyser les vibrations­ dans les plantes et d’y détec­ter, avec une certitude d’environ 98 %, la présence­ de larves alors qu’elles ne me­surent encore que 7 mm de longueur – ont été installés dans la ville. Ces détecteurs s’ajoutent à la centaine de pièges à phé­romones déjà répartis sur le territoire com­munal, qui ont permis de capturer 5 500 adultes de Rhychophorus ferrugineus entre avril et novembre 2018, selon le service des espaces verts. Tous ces moyens de surveillance et de lutte visent à préserver les 407 palmiers recensés dans l’es­pace public. « Notre objectif est de disposer d’un ar­senal de lutte complet, avec piégeage, traitements préventifs à base du champignon Beauveria bassiana et nématodes, et maintenant détection précoce des ravageurs grâce aux capteurs. Nous avons des applications sur téléphone et ordinateur qui nous alertent rapidement sur les palmiers atteints. Dès que nous le savons, nous pouvons intervenir avec un moyen de traitement adapté », explique-t-on au service des espaces verts.

D’autres procédés préventifs pour lutter contre­ les ravageurs sont aussi mis en œuvre, comme le décalage de la taille des palmiers. Si l’opération se fait en saison chaude, elle favorise la dissémination du charançon. Elle est donc parfois reportée, parfois non réalisée s’il s’avère que c’est la meilleure solution. La surveillance des spécimens du domaine privé est également assurée : dès qu’un sujet atteint est détecté, le propriétaire est prévenu, ainsi que ses voisins dans un rayon de 100 m. La lutte contre le charançon étant obli­­ga­toire, cette démarche est tout à fait lé­gale. 1 115 palmiers dans le domaine privé ont ainsi été déclarés atteints par l’un des ravageurs actifs de l’espèce. Un recensement com­plet des exemplaires du domaine privé a été envisagé, mais l’opération est difficile à mettre en place.

Les palmiers peuvent parfois être simplement assainis, conformément aux me­sures obligatoires de lutte (depuis 2010, contre le charançon rouge ). Les palmes atteintes par un ravageur sont coupées, suffisamment près du stipe pour le dé­barrasser des larves. Un traitement insecticide et fongicide est ensuite réalisé et les sujets peuvent parfois repartir en végétation. 394 palmiers ont déjà été assainis dans le domaine privé, neuf sur le terri­toire public.

Enfin, la dernière méthode de lutte est la diversification de la gamme végétale. La municipalité de Mandelieu-la-Napoule tient à ses palmiers : elle les préserve, en replante, même. Mais elle limite les plantations de Phoenix canariensis, particulièrement ciblés par les ravageurs, préférant planter des Butia, par exemple. Les sujets sont achetés dans une entreprise locale, Pépinières Jacky Rubino, qui garantit une bonne traçabilité des plantes. Enfin, la commune n’hésite pas non plus à diver­sifier ses plantations, en utilisant des oliviers, des tilleuls, voire des jacarandas, qui résistent bien en bord de mer.

Trop tôt pour un bilan

Si les détecteurs semblent prometteurs, il est encore difficile d’en dresser un bilan. Surtout, utilisateurs comme fournisseur ne les présentent pas comme une solution miracle. Stéphane Asikian, qui a en charge le suivi de cette technologie chez le fournisseur du produit Bioassays France, précise qu’il s’agit d’une « technique abordable qui est à réserver à la surveillance des palmiers patrimoniaux ». Et d’ajouter que l’implication la plus importante pour le client sera le temps consacré à la consultation des données transmises par l’appareil.

Commercialisée depuis à peine plus d’un an, la technologie a déjà évolué, explique-t-il : « Au départ, le capteur donnait des résultats­ binaires. Rouge : l’arbre est menacé. Vert : rien à signaler. Aujourd’hui, les données transmises sont mieux cernées et les appareils sont désormais ca­pables d’analyser des situations de faible infestation ou un risque pour le végétal limité­. Mais quoi qu’il en soit, dès qu’un sujet est attaqué, il est possible d’appliquer un traitement biologique parfaitement ciblé et de suivre son efficacité en temps réel. Et si, deux semaines plus tard, le capteur détecte des larves encore ac­tives, il faudra appliquer un second traitement. Ce sont des choses que l’on ne savait pas faire avant. »

Le capteur, vendu déjà à une petite dizaine de villes et de sites sensibles de la Côte d’Azur, permet finalement, couplé au piégeage massif et aux traitements à partir des deux spécialités bio disponibles sur le marché, de « disposer d’une méthode de lutte abordable et efficace pour sauver le patrimoine de palmiers français ». C’est déjà une belle perspective, car, entre deux ravageurs particulièrement voraces présents autour de la Méditerranée, l’avenir des palmiers était jusqu’ici bien sombre et nombre de gestionnaires d’espaces verts avaient baissé les bras.

Pascal Fayolle

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement